L’art musulman au Moyen Âge - Le rôle des caravansérails
- veroniquevassout
- 9 oct.
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A la découverte des Caravansérails
Les sultans seldjoukides de Roum possédaient une immense richesse, qui leur permit de mener à bien d’ambitieux projets architecturaux destinés à porter leur nom. Leur prospérité provenait de l’exploitation habile de la position stratégique de l’Anatolie, carrefour entre l’Orient et l’Occident, la Méditerranée et la mer Noire.
L’essor économique du pays au XIIIe siècle reposait sur des traités conclus avec plusieurs nations, y compris chrétiennes. En 1220, par exemple, les Seldjoukides signèrent un accord avec la République de Venise. À la même époque, ils fournissaient aux Ayyoubides, puis aux Mamelouks du Caire, des troupes esclaves constituant l’élite militaire du Proche-Orient.
En restaurant les anciennes routes romaines, les sultans mirent en place un réseau d’auberges appelées caravansérails, ou khans. Ces établissements servaient de halte aux longues caravanes marchandes et aux jeunes hommes en formation militaire.
Le long des grandes routes commerciales, ces bâtiments étaient érigés tous les 30 à 40 kilomètres, soit la distance qu’une caravane de chameaux ou de cavaliers pouvait parcourir en une journée. Le sultan ordonnait leur construction jusque dans les déserts isolés ou les cols montagneux les plus escarpés.
Voyageurs et bêtes de somme transportant des marchandises précieuses (tissus, tapis, épices ou esclaves venus d’Asie centrale) pouvaient ainsi se mettre à l’abri des pillards. Ces routes, qui prolongeaient la grande route de la soie reliant la mer Noire à Pékin, étaient intensément fréquentées. On dénombre aujourd’hui environ 120 caravansérails seldjoukides en Anatolie, dont beaucoup sont encore remarquablement bien conservés ou restaurés

Ces bâtiments impressionnaient par leur taille : certains atteignaient 90 mètres de long pour 60 de large, entourés de murs fortifiés et de tours. Un grand portail richement décoré, dans le style des pishtak, ouvrait sur une vaste cour. Sur trois côtés, des arcades offraient de l’ombre pendant les étés brûlants d’Anatolie.
Au centre de cette cour à ciel ouvert se dressait parfois un petit pavillon surélevé – une minuscule mosquée où les voyageurs pouvaient faire halte pour la prière. Au fond de la cour, une seconde porte monumentale menait à la « salle d’hiver », un espace couvert protégeant du froid intense des hauts plateaux anatoliens, souvent enneigés. L’architecture de ces salles est saisissante : un visiteur occidental pouvait avoir l’impression d’entrer dans la nef d’une église – un long espace voûté de pierre, rythmé d’arcs brisés et bordé de bas-côtés formant trois à cinq nefs.
Au centre, un dôme posé sur trompes ou pendentifs diffusait la lumière, complétant celle des fines fenêtres à meurtrières. Les plans et coupes révèlent une organisation spatiale d’une rigueur géométrique remarquable. L’atmosphère évoque celle des abbayes cisterciennes : vastes, silencieuses, austères, mais profondément spirituelles.

Les sultans, commanditaires de ces haltes pour marchands et voyageurs, firent souvent appel à des bâtisseurs chrétiens – en particulier des architectes arméniens.
Forts de leur expérience dans la construction de grandes églises voûtées, ces maîtres d’œuvre appliquèrent les mêmes principes architecturaux à l’édification des caravansérails.

Un exemple soutenant cette hypothèse est celui du caravansérail de Hakim Han, sur la route de Malatya, ville arménienne située entre Kayseri et le lac de Van. Une inscription y mentionne :
« En l’an 667 de l’ère arménienne, j’ai construit cette auberge avec le plus grand soin. »
Cette date se réfère au calendrier arménien (et non à l’Hégire islamique), commençant en l’an 551 lors du concile de Dvin. De plus, l’inscription est gravée en alphabet arménien.




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